Laurent Muzy, Interprète Cyrano

Rencontre avec...

Laurent Muzy – Cyrano

 

L’acteur Laurent Musy incarne Cyrano dans la pièce montée par Gaëtan Petot*. Nous l’avons rencontré alors que les répétitions démarraient à peine : il était déjà totalement investi dans son rôle. Passionné et volubile : le rôle de Cyrano lui va à merveille.

 

 

Sur scène, tu es Cyrano. Quand le rideau tombe, qui est Laurent ?

J’ai grandi à Montpellier avant de « monter à Paris » comme tant de jeunes comédiens.

J’ai découvert le théâtre en CM2, et adoré l’idée d’un projet porté tous ensemble, d’un enjeu commun, d’une discipline nécessaire pour réussir. L’année suivante, quelque chose s’est précisé : j’aimais aussi être sur scène. Alors de la 6e au BAC, j’ai alors toujours appartenu à la même compagnie de théâtre. Retrouver chaque semaine ce groupe soudé, avec qui j’ai grandi et traversé l’adolescence, a participé à me construire.

A Paris, j’ai d’abord intégré le conservatoire, puis décidé de quitter ce cocon pour intégrer une école privée, tenter d’autres choses. Au fil du temps, j’ai vu beaucoup d’amis abandonner. Mais pour moi, être au sein d’une troupe, raconter une histoire, est devenu nécessaire.

 

Que représente la pièce d’Edmond Rostand pour toi ?

Une pièce comme Cyrano réunit toutes les raisons pour lesquelles je suis comédien : pour plonger dans une histoire, des mots, une époque, mais aussi penser l’humanité, rechercher un idéal.

Cyrano s’interroge – et nous interroge – sur la façon dont nous nous autorisons à regarder l’autre, à voir ce qu’il y a de beau chez lui. Il rappelle qu’il y a des choses qu’il ne faut pas oublier, mais comprendre.

Il change et évolue au fil des scènes. Quand il scelle avec Christian un pacte vertigineux et plonge dans l’inconnu, nous l’acceptons et l’accompagnons. Et ne sommes plus les mêmes, nous non plus, à la fin de la pièce : les spectateurs remportent chez eux tout ce qui a été traversé sur scène.

Certaines œuvres ont le don de nous inviter à faire le point, de constituer un point de repère, de nous dire « vous êtes ici ». Cyrano de Bergerac en fait partie.

 

La pièce n’a jamais cessé d’être montée, parfois adaptée, au fil des années. Pourquoi proposer aujourd’hui encore Cyrano aux spectateurs ?

Cyrano fait partie de notre patrimoine littéraire. Tout le monde connait la pièce ou en connait quelques répliques, a vu une adaptation cinématographique...

Mais si ces deux ou trois dernières années Cyrano a été monté à plusieurs reprises, ce n’est pas un hasard. Le texte est toujours actuel, et même particulièrement nécessaire aujourd’hui parce que nous avons besoin de jolis mots, de beau, de valeurs.

 

Une pièce en 5 actes, avec des dizaines de personnages, est-ce que cela correspond toujours aux attentes des spectateurs (et des producteurs !) ?

Il est vrai qu’aujourd’hui la tendance est plutôt aux pièces d’une heure et demie, avec 3 ou 4 personnages.

Oser monter Cyrano, c’est choisir le partage plutôt que la facilité. C’est préserver 3 heures suspendues, entre les spectateurs et nous. C’est oser dire « vivons quelque chose d’intense, ensemble : racontons-nous la même histoire »

 

C’est aussi pour les acteurs, et particulièrement le comédien qui incarne Cyrano, un vrai challenge. Comment se passent les premières répétitions ?  

Ce sont des moments intenses. L’équipe est formidable, Gaétan prend le temps de faire vivre le texte, de plonger dans l’histoire, les mots, l’époque...

La troupe composée en partie de comédiens amateurs est animée d’un incroyable enthousiasme. Ce sont des amateurs sans une once d’amateurisme ! Ils ont un travail, doivent se lever pour aller bosser, puis viennent répéter des heures : je suis admiratif face à leur engagement, leur hargne.

 

Gaëtan est-il le moteur de cette aventure, ou l’instigateur ?

Gaetan, c’est Christophe Colomb embarquant sur sa caravelle : il part à l’aventure, il n’arrivera peut-être pas là où il pensait car il se nourrit des propositions des acteurs, mais il reste à la barre, traverse des tempêtes et des accalmies. Au bout du voyage, il y aura pour tous une incroyable découverte.

Pour lui et toute la « troupe – équipage », c’est un voyage excitant du début à la fin.

 

Tu es Cyrano, tu débarques aujourd’hui, à notre époque. Que penses-tu de 2025 ?

Je suis révolté par le chacun pour soi, l’intolérance, la paresse, le manque d’humour et d’autodérision. Je pense que les gens ont oublié l’importance de se regarder eux-mêmes. Ils n’osent plus affronter la merde qu’ils ont balayé sous le tapis, pour être au clair avec ce que l’on est.

Mais heureusement i y a toujours mes amis, que j’aime pour ce qu’ils sont et pourraient devenir avec de belles valeurs.

Les SMS m’agacent : si j’en envoie, ils sont en vers !

 

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