Manuel Olinger, interprète le Comte de Guiche
Rencontre avec...
Manuel Olinger – Comte de Guiche
Manuel Olinger est arrivé au théâtre un peu par hasard (et pour notre plus grand plaisir). Comédien aussi exigeant dans la sélection de ses rôles que dans la précision de son jeu, il est le Comte de Guiche dans le Cyrano de Bergerac mis en scène par Gaëtan Petot*. Un projet qu’il a accepté avec enthousiasme.
Le théâtre, c’était pour toi une évidence ?
Au départ, c’était plutôt le rêve de mon père, qui m’a entraîné avec lui à des cours. Mais j’ai eu la chance incroyable de rencontrer des comédiens d’exception, qui m’ont aidé à prendre confiance en moi.
J’ai commencé à me former à Lyon. J’ai pu bénéficier des cours de Pierre Bianco à l’Ecole de théâtre, puis de ceux de Georges Montillier, de la Comédie Française, qui a fondé le Cours Myriade. Je considère Georges Montillier comme un véritable maître. Il m’a fait comprendre que j’étais doué, ce qui m’a incité à poursuivre. Dans les années 2000, je suis « monté à Paris », pour intégrer la classe Libre de l’École Florent.
Très vite, le théâtre est devenu mon univers, une quête, un besoin d’aller toujours plus loin. Ce que l’on éprouve sur scène est unique. C’est un moment hors du temps, on peut jouer le passé, le futur, l’humanité.
On a pu te voir dans des pièces classiques comme contemporaines, dans parcours varié. Qu’est ce qui guide tes choix ?
Théâtre moderne ou classique, dans des petites ou grosses productions, quel que soit le registre, peu m’importe. Mon seul critère, pour m’engager sur un projet, est sa qualité.
Dans une pièce bien écrite, l’auteur a déjà effectué le travail : la respiration, le style sont là. Il n’y a plus qu’à l’accompagner, à coller à l’univers de l’auteur. Bien sûr il faut attaquer par le bon angle, avoir les clés pour interpréter le rôle. Mais un grand auteur, comme Claudel par exemple, a tout pensé. Il suffit de se laisser porter.
Jouer Cyrano de Bergerac, une pièce en vers, est-ce plus complexe ?
J’ai déjà joué de pièces en vers, et encore une fois c’est la qualité du texte qui importe. Et il faut bien reconnaitre qu’Edmond Rostand n’a pas fait de gros efforts avec les vers, il s’est accordé une totale liberté dans l’écriture. Ce n’est pas du Corneille ! Le résultat est différent : la respiration est dans le plaisir des mots, du verbe.
Mais s’attaquer à Cyrano de Bergerac, une pièce si souvent montée, n’est-ce pas prendre le risque de ne pas apporter quelque chose de plus, de nouveau ?
Pas du tout ! Il y a quelques années, j’étais sur un projet pour monter Hamlet. Je m’interrogeais beaucoup : comment convaincre, qu’apporter de nouveau ? Un ami m’a alors dit « ce n’est pas la question. Si c’est toi, et personne d’autre, ce sera forcément nouveau, différent ». Et c’est tout à fait vrai. Chaque mise en scène est portée par quelqu’un de nouveau, et apporte une vision nouvelle. C’est la magie du théâtre, qui se décline à l’infini, et permet chaque fois de découvrir quelque chose.
Quel est ce « quelque chose » que Gaëtan va apporter ?
C’est un projet auquel il pense depuis des années. Il a une vision très particulière, qu’il a eu le temps de faire murir. Avec son idée d’un chœur, joué par une troupe amateur aux côtés des comédiens professionnels, il veut développer l’idée que « chacun a son Cyrano ». Le chœur constitue une entité multiple, qui devient quasiment le rôle principal, et peut apporter une multitude de réactions là où un acteur seul ne pouvait montrer qu’un aspect unique. C’est incroyable et enthousiasmant.
Cela donne plus de vie au texte. Ce qui était un long monologue, lorsqu’il est porté par 20 personnes dans le chœur, on ne le sent pas passer !
Quand Gaëtan t’a proposé le rôle du Comte de Guiche, as-tu hésité ?
Pas un instant ! D’abord parce que c’est quelqu’un que je connais depuis longtemps, que j’aime beaucoup, avec qui j’ai un immense plaisir à travailler. Je sais l’écoute dont il fait preuve.
Mieux encore, nous avons la même conception du travail d’acteur. Nous recherchons tous deux la proximité avec le spectateur. Le fait d’intégrer une troupe amateur à une pièce aussi exigeante est aussi audacieux et plaisant. C’est une forme de théâtre un peu oubliée aujourd’hui, une démarche à laquelle j’adhère. Je me reconnais dans son projet.
Et surtout, je sais que Cyrano est un rêve qu’il porte depuis des années. Alors je suis fier et heureux de participer à ce rêve, de l’aider à enfin le concrétiser.
Tu es De Guiche, tu es projeté en 2025. Comment vis-tu ?
Je suis dépassé, ringard, pétri de conventions et de principes. Je ne suis vraiment pas adapté à cette époque, moi qui vivais dans un univers protégé de riches. Je regrette mon pouvoir, ma position.
Alors je suis seul, poussiéreux. Je considère les femmes comme superficielles et sans intérêt, ce qui ne m’aide pas à briser cette solitude.